25/02121
Résumé
En bref
Le Tribunal judiciaire de Toulouse annule l'assemblée générale élective d'une ligue sportive au motif que la décision d'irrecevabilité d'une liste de candidats était irrégulière. Le Tribunal retient que la ligue ne pouvait se prévaloir d'une violation de ses propres statuts s'agissant des modalités de dépôt de candidature, dès lors qu'elle avait elle-même diffusé un appel à candidature autorisant une transmission par voie électronique. Sur le fondement de l'article 4.2 des statuts, le Tribunal juge que la complétude de la liste devait s'apprécier à la date de son dépôt et non au jour du scrutin. Enfin, l'absence de notification écrite et préalable de la décision de rejet, en violation de l'article 4.1 des statuts, a vicié le processus. En conséquence, l'élection est annulée et un mandataire ad hoc est désigné pour organiser un nouveau scrutin.
En détail
L'affaire oppose M. [Y] [T], demandeur, à l'association Ligue Occitanie de Kickboxing, Muaythaï et Disciplines Associées (LOKMDA), défenderesse, dans le cadre d'un contentieux post-électoral. Les problèmes juridiques soulevés concernent la régularité d'une assemblée générale élective, l'interprétation des statuts et du règlement intérieur d'une association sportive, les conditions de recevabilité des candidatures aux instances dirigeantes, et les pouvoirs du juge en matière de contentieux électoral associatif, notamment quant à l'annulation du scrutin et à la désignation d'une administration provisoire. La question juridique principale était de savoir si une décision d'irrecevabilité d'une liste de candidats, prise le jour de l'assemblée générale élective en se fondant sur des motifs contraires aux propres instructions de la ligue et à une interprétation stricte de ses statuts, entachait l'ensemble du processus électoral au point d'en justifier l'annulation. Le litige trouve son origine dans l'assemblée générale élective de la LOKMDA du 1er décembre 2024. Deux listes s'opposaient, l'une menée par M. [K] [W], l'autre par M. [Y] [T]. Le jour du scrutin, le président de séance a déclaré la liste de M. [T] irrecevable pour deux motifs : un dépôt de candidature non conforme aux statuts (absence de lettre recommandée avec accusé de réception) et une liste devenue incomplète suite au désistement d'un de ses membres. M. [T] a contesté cette décision, arguant avoir respecté les modalités de l'appel à candidature émis par la ligue autorisant un envoi électronique, et que l'éligibilité de la liste devait s'apprécier à la date limite de dépôt, à laquelle elle était complète. Il a sollicité l'annulation de l'élection et la désignation d'un mandataire ad hoc. La LOKMDA a soutenu la régularité de sa décision, affirmant la primauté des statuts sur tout autre document et la nécessité pour une liste d'être complète au jour du vote. Le Tribunal a structuré sa décision en analysant d'abord la recevabilité des demandes, puis le bien-fondé de la demande d'annulation de l'élection et enfin les mesures conservatoires à ordonner. Le Tribunal déboute M. [T] de sa demande tendant à voir sa liste proclamée élue, rappelant qu'il ne peut se substituer à l'organe électif de l'association. Il concentre ensuite son analyse sur les irrégularités ayant affecté le scrutin pour en prononcer l'annulation. Sur le fondement de l'article 6.4 des statuts et de l'appel à candidature diffusé par la LOKMDA elle-même, le Tribunal écarte le premier motif d'irrecevabilité. Il constate que l'appel à candidature, émanant de la défenderesse, offrait explicitement une alternative entre l'envoi postal et l'envoi par courrier électronique. Le Tribunal juge que la LOKMDA ne saurait se prévaloir d'une violation de ses statuts par un acte qu'elle a elle-même posé, appliquant ainsi un principe de loyauté et de confiance légitime. Il souligne que M. [T] n'a fait que se conformer aux instructions qui lui ont été données par l'organe organisateur de l'élection. Sur le fondement de l'article 4.2, alinéa 1er, des statuts, qui stipule que "les conditions générales et particulières d'éligibilité doivent être remplies à la date du dépôt de la déclaration de candidature", le Tribunal rejette le second motif d'irrecevabilité. Il retient que la complétude de la liste est une condition d'éligibilité qui doit être appréciée à la date butoir du dépôt, soit le 19 novembre 2024. Le désistement d'un colistier, intervenu le 29 novembre 2024, était donc postérieur à la cristallisation des conditions d'éligibilité et ne pouvait valablement fonder une décision d'irrecevabilité. Le Tribunal renforce son raisonnement en relevant que l'article 6.4 des statuts prévoit un mécanisme d'élections partielles en cas de vacance de postes, ce qui démontre qu'une liste devenue incomplète en cours de processus n'est pas, par principe, sanctionnée par l'irrecevabilité. Enfin, sur le fondement de l'article 4.1 des statuts, le Tribunal relève une irrégularité procédurale substantielle. Cet article impose que "le refus de candidature doit être motivé par une décision écrite du Président de la Ligue". Le juge en déduit que cette formalité implique une notification préalable à l'assemblée générale afin de permettre au candidat évincé de contester utilement la décision. En l'espèce, le rejet a été notifié oralement quelques minutes avant le scrutin, privant M. [T] de toute possibilité de recours effectif et violant les principes fondamentaux du droit électoral, notamment le respect du contradictoire. Cette triple irrégularité conduit le Tribunal à juger que la candidature de la liste de M. [T] a été injustement écartée, viciant ainsi la sincérité du scrutin et justifiant l'annulation de l'ensemble des opérations électorales.
Extrait de la décision :
"L'auteur de cet appel à candidature proposant des modalités clairement alternatives, et exigeant un envoi et non une réception 12 jours avant l'Assemblée Générale du 1er décembre 2024, est la LOKMDA, qui ne saurait se prévaloir elle-même de la violation des statuts par son propre acte."
La décision a pour répercussion majeure la désignation d'un mandataire ad hoc chargé d'organiser de nouvelles élections et, de manière notable, le report des effets de l'annulation au jour de la proclamation des nouveaux résultats, afin d'assurer la continuité de la gestion de la ligue et d'éviter un vide juridique préjudiciable.
Mots clés
Contentieux électoral associatif, Annulation d'assemblée générale, Mandataire ad hoc, Violation des statuts, Recevabilité de candidature, Principe de loyauté, Interprétation des statuts, Administration provisoire, Report des effets de la nullité, Sincérité du scrutin.