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Résumé
En bref
Le Conseil d'État prononce l'annulation partielle des décisions de la Fédération française de judo (FFJDA) relatives à la création d'un nouveau championnat par équipes mixtes. La Haute juridiction censure la délibération de l'assemblée générale fédérale sur un double fondement : d'une part, la violation des principes de libre accès aux compétitions sportives et d'égalité de traitement (déduits des articles L. 131-1 et suivants du code du sport), en raison du privilège injustifié accordé aux clubs de l'ancienne « Judo Pro League » (ligue fermée) pour l'accès à la première division ; d'autre part, la méconnaissance de l'obligation d'édicter des mesures transitoires prévue à l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), le délai de mise en conformité laissé aux clubs étant insuffisant. ➡️ Sens de la décision : Annulation différée dans le temps (mai 2026) de la délibération litigieuse, mais avec neutralisation immédiate des effets sportifs (titres et qualifications européennes) pour la saison en cours.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties : La société Paris Saint-Germain Judo et l'association Etoile sportive du Blanc-Mesnil Judo (Requérantes) contre la Fédération française de judo et disciplines associées - FFJDA (Défenderesse).
- Problèmes juridiques : L'affaire pose la question de l'équilibre entre le pouvoir réglementaire fédéral d'organisation des compétitions et le respect des principes d'égalité et de libre accès aux activités sportives, notamment lors de la transition d'une ligue privée fermée vers un championnat fédéral officiel. Elle interroge également l'impératif de sécurité juridique via l'édiction de mesures transitoires.
- Question juridique principale : Une fédération délégataire peut-elle, lors de la création d'une nouvelle compétition nationale, réserver la quasi-totalité des places de l'élite aux membres d'une ancienne ligue privée et imposer une mise en œuvre quasi-immédiate de la réforme ?
- Exposé du litige : La FFJDA a décidé de créer un championnat de France par équipes mixtes. La délibération de l'AG du 13 avril 2025 prévoyait que 14 des 16 places de la 1ère division seraient attribuées d'office aux clubs de l'ancienne « Judo Pro League » (ligue fermée), ne laissant que deux places aux autres clubs via un tournoi qualificatif organisé un mois plus tard. Les requérantes contestent cette rupture d'égalité et la précipitation de la réforme.
2. ANALYSE DES MOTIFS
A. Sur la recevabilité du recours contre la délibération du Conseil d'administration
Le juge administratif effectue d'abord un 🔍 contrôle de la nature de l'acte attaqué. Il considère que la délibération du conseil d'administration du 14 mars 2025, qui s'est bornée à se prononcer en faveur de la réforme pour la soumettre à l'assemblée générale, ne constitue qu'une étape du processus décisionnel interne. ❌ Cette qualification juridique entraîne une fin de non-recevoir : l'acte étant préparatoire, il ne fait pas grief et ne peut être contesté directement.
"Dans ces conditions, les requérantes ne sont pas recevables à rechercher l'annulation de la délibération du conseil d'administration qui revêt un caractère préparatoire à la délibération de l'assemblée générale." (Décision, point 3)
Cette analyse confirme la jurisprudence classique selon laquelle seule la décision finale de l'organe compétent (ici l'AG, en vertu des statuts) est susceptible de recours contentieux.
B. Sur l'atteinte aux principes d'égalité et de libre accès (Code du sport)
Le Conseil d'État rappelle le cadre normatif fixé par les articles L. 131-1 et suivants du code du sport. Si les fédérations délégataires disposent bien d'un monopole pour édicter les règles techniques et organiser les compétitions, ce pouvoir n'est pas absolu. ⚖️ Le juge pose un principe de proportionnalité : les atteintes au libre accès aux activités sportives et au principe d'égalité ne sont tolérées que si elles ne sont pas excessives au regard des objectifs poursuivis. En l'espèce, le Conseil d'État censure le mécanisme de "protection" des clubs de l'ancienne ligue fermée. Il juge que le fait de réserver 14 des 16 places de la nouvelle élite à ces clubs, sur la seule base de leur appartenance passée à une structure privée (payante et sur cahier des charges distinct), constitue une rupture d'égalité injustifiée par le mérite sportif.
"En réservant aux clubs membres de l'ancienne « Judo Pro League » 14 des 16 places de la première division [...] les décisions litigieuses portent au principe de libre accès aux activités sportives et au principe d'égalité des atteintes qui excèdent, par leur importance, celles qui auraient pu être justifiées par la mise en place d'une nouvelle compétition." (Décision, point 7)
➡️ La Haute juridiction sanctionne ici la cristallisation de positions acquises dans une ligue fermée lors du basculement vers un modèle fédéral ouvert, réaffirmant la primauté du mérite sportif.
C. Sur l'absence de mesures transitoires (Code des relations entre le public et l'administration)
Sur le fondement de l'article L. 221-5 du CRPA, le juge administratif rappelle l'impératif de sécurité juridique. L'autorité investie du pouvoir réglementaire (ici la Fédération) a l'obligation d'édicter des mesures transitoires lorsque l'application immédiate d'une réforme entraîne une atteinte excessive aux intérêts en cause. 🔍 Le Conseil d'État analyse in concreto le calendrier imposé : une décision prise le 13 avril pour une épreuve qualificative le 24 mai. Il estime que ce délai d'un mois est manifestement insuffisant pour permettre aux clubs "amateurs" ou non-membres de la ligue pro de constituer une équipe mixte et d'adapter leur préparation sportive.
"Eu égard à la nécessité pour les clubs souhaitant prendre part à cette épreuve de constituer des équipes mixtes en leur sein et pour les membres de ces équipes de l'intégrer dans leur programme d'entraînement [...] les requérantes sont fondées à soutenir que la délibération litigieuse est illégale en ce qu'elle n'a pas prévu un délai suffisant" (Décision, point 9)
⚠️ Cette censure souligne que le temps sportif (préparation, constitution des équipes) est une donnée que le régulateur fédéral doit impérativement intégrer dans son calendrier normatif.
D. Sur la procédure de conciliation CNOSF
Le Conseil d'État apporte une précision importante sur la procédure précontentieuse. Il qualifie la délibération fédérale d'acte réglementaire. Or, l'obligation de conciliation préalable devant le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), prévue à l'article L. 141-4 du code du sport, ne s'applique pas aux litiges portant sur des actes réglementaires, mais aux litiges individuels. 👨⚖️ Par conséquent, la saisine du CNOSF par les clubs a été requalifiée en recours gracieux. Le refus du président de la Fédération de suivre la proposition du conciliateur s'analyse donc comme le rejet de ce recours gracieux, qui doit être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de la décision initiale.
"La contestation formée par les requérantes n'est, par suite, pas au nombre des conflits opposant des groupements sportifs et des fédérations sportives agréées pour lesquels les dispositions de l'article L. 141-4 du code du sport attribuent une mission de conciliation au Comité national olympique et sportif français." (Décision, point 10)
E. Sur la modulation dans le temps des effets de l'annulation
Face aux conséquences d'une annulation rétroactive pure et simple (qui anéantirait la saison en cours), le juge fait usage de son pouvoir de modulation dans le temps (jurisprudence AC!). Il procède à une mise en balance des intérêts : ⚖️ sauver le déroulement matériel de la compétition 2025 vs sanctionner l'illégalité. La solution retenue est hybride et subtile : l'annulation est différée à la fin de la saison (mai 2026) pour ne pas interrompre les matchs, MAIS l'annulation prive la compétition de tout enjeu juridique officiel.
"Cette annulation fera toutefois obstacle à ce que des effets juridiques puissent s'attacher à cette compétition, notamment s'agissant de la désignation d'un club champion de France et de la sélection par la FFDJA des équipes de clubs appelées à participer à la Ligue des champions" (Décision, point 13)
➡️ Le championnat peut se terminer "pour l'honneur", mais aucun titre officiel ni aucune qualification européenne ne pourront être délivrés sur la base de ce classement illégal.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"Il appartient aux fédérations sportives délégataires [...] de prendre les dispositions utiles pour assurer l'organisation de ces compétitions. Dans l'exercice de ce pouvoir, les fédérations ne peuvent légalement porter atteinte au principe du libre accès aux activités sportives pour tous et à tous les niveaux, et au principe d'égalité, que dans la mesure où ces atteintes ne sont pas excessives au regard des objectifs poursuivis." (Point 5 de la décision)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Limites du pouvoir fédéral : Le pouvoir d'organisation des compétitions (Art. L. 131-15 Code du sport) est subordonné au respect des principes généraux d'égalité et de libre accès.
- ⚠️ Illégalité des privilèges historiques : L'intégration automatique et massive de clubs issus d'une structure privée (ligue fermée) dans une nouvelle compétition fédérale, sans critère de mérite sportif actuel, est une rupture d'égalité disproportionnée.
- 📋 Sécurité juridique et temps sportif : L'article L. 221-5 du CRPA impose aux fédérations de prévoir des délais raisonnables (mesures transitoires) entre l'adoption d'un nouveau format de compétition et sa mise en œuvre effective.
- 🔍 Procédure CNOSF : La conciliation préalable n'est pas obligatoire pour contester les actes réglementaires fédéraux (portée générale).
- ⚖️ Modulation des effets : Le juge peut maintenir l'existence matérielle d'une compétition annulée pour éviter le chaos, tout en la privant de ses effets juridiques majeurs (titres, qualifications).
Mots clés
Fédération délégataire, Égalité de traitement, Libre accès aux compétitions, Mesures transitoires, CRPA, Ligue fermée, Conciliation CNOSF, Recours pour excès de pouvoir, Modulation dans le temps, Mérite sportif.
NB : 🤖 résumé généré par IA