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Résumé
En bref
La Cour d'appel de Douai confirme l'illégitimité du licenciement pour faute grave d'un salarié à temps partiel d'un club de football professionnel, prononcé pour refus de modification des horaires. Sur le fondement de l'article L.3123-6 du Code du travail, la Cour juge que l'employeur ne peut imposer unilatéralement, en cours de saison sportive, un changement de répartition des horaires incompatible avec la pluriactivité du salarié connue de l'employeur. Infirmant partiellement le jugement de première instance, la Cour condamne le club (SA VAFC) à verser des dommages-intérêts accrus pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (13 000 €). En outre, sur le fondement de l'article L.3171-4 du Code du travail et des directives européennes, elle fait droit aux demandes de rappels de salaire pour heures complémentaires (9 188 €) et d'indemnité pour non-respect du temps de repos, sanctionnant l'absence de dispositif fiable de contrôle du temps de travail par le club.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties : M. [P] (Appelant, salarié, Responsable technique du lycée du club) contre la SA VAFC Valenciennes Sport Développement (Intimée, employeur, club professionnel).
- Contexte : Le salarié, employé à temps partiel (600h/an) depuis 2012, cumulait cette fonction avec un poste de professeur d'EPS. En décembre 2020, invoquant la nécessité d'un meilleur suivi, le club a exigé une présence quotidienne, modifiant le planning établi en début de saison.
- Problème juridique : L'employeur peut-il sanctionner par un licenciement pour faute grave le refus d'un salarié à temps partiel de voir ses horaires modifiés unilatéralement en cours d'année scolaire, alors que cette modification impacte sa pluriactivité ?
- Exposé du litige : Licencié pour insubordination suite à son refus, le salarié a contesté la rupture et réclamé le paiement d'heures complémentaires induites par la vacance du poste de Conseillère Principale d'Éducation (CPE). Débouté de ses demandes salariales en première instance mais validé sur la rupture, il a interjeté appel.
2. ANALYSE DES MOTIFS
A. Sur le licenciement et la modification des horaires
La Cour d'appel analyse la légitimité de la rupture sous le prisme du régime du temps partiel. 🔍 En l'espèce, sur le fondement de l'article L.3123-6 du Code du travail, les juges rappellent que si le contrat renvoyait à un planning établi à chaque saison, il ne prévoyait pas les modalités de sa modification en cours d'année. ⚖️ La Cour considère que le changement imposé par le directeur du centre de formation en décembre, alors qu'un planning était déjà effectif depuis septembre, constitue une tentative de modification unilatérale inopposable au salarié, d'autant que le club avait connaissance de ses contraintes extérieures.
"L'employeur ne pouvait donc pas modifier ces horaires sans l'accord du salarié. En toute hypothèse, le refus de M. [P] de se soumettre au nouveau planning n'apparaît pas constitutif d'une faute. En effet, l'année scolaire avait déjà débuté, et cette modification intervenant plus de trois mois après le début de l'année scolaire apparaissait tardive." (Décision, page 11, 4ème paragraphe)
➡️ Cette analyse conduit la juridiction à écarter la qualification de faute grave et même de cause réelle et sérieuse. 🛡️ La Cour souligne que le silence du salarié sur son emploi du temps extérieur n'était pas fautif, la demande de l'employeur étant inopérante à cette période de l'année scolaire (décembre) où les emplois du temps sont figés. Le licenciement est donc invalidé, l'insubordination n'étant pas caractérisée ❌.
B. Sur les heures complémentaires et le temps de repos
S'agissant de la demande de rappel de salaire, la Cour applique le mécanisme probatoire de l'article L.3171-4 du Code du travail. 👨⚖️ Les juges constatent que le salarié fournit des éléments factuels précis (courriels tardifs, attestations de collègues) démontrant qu'il a assumé les fonctions de la CPE non remplacée. ⚠️ Face à ces éléments, la carence de l'employeur est sanctionnée, ce dernier ne produisant pas de système objectif de décompte du temps de travail conforme aux exigences de la Directive 2003/88/CE.
"Les nouvelles tâches confiées au responsable pédagogique ont ainsi accru le temps de travail de l'intéressé, de sorte que le « forfait » de 40 heures, correspondant à cet emploi, ne peut pas correspondre aux nouvelles tâches dévolues à partir de 2014. [...] Compte-tenu des éléments produits de part et d'autres, il convient d'accueillir la demande, la cour se convainquant de la réalité d'heures complémentaires non rémunérées" (Décision, page 14, paragraphes 3 et 5)
Concernant le respect des temps de repos, la Cour opère un renversement de la charge de la preuve au détriment de l'employeur. 🎯 S'appuyant sur l'obligation de sécurité et la protection de la santé, la juridiction retient que l'existence avérée de tâches accomplies le week-end et en soirée suffit à caractériser le manquement, l'employeur ne pouvant justifier du respect des seuils légaux.
"La preuve du temps de repos incombe à l'employeur, laquelle n'est pas rapportée en l'espèce, peu important que l'emploi du temps du deuxième emploi ne soit pas produit dès lors qu'il est établi que M. [J] [P] a dû travailler en dehors de son temps de travail habituel." (Décision, page 15, paragraphe 2)
➡️ Cette motivation conduit à l'infirmation du jugement de première instance sur ces points et à la condamnation financière du club ✅.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
Extrait principal de la décision : "Surtout, l'employeur ne pouvait pas ignorer que M. [P] travaillait par ailleurs comme professeur de sport dans un autre établissement, ce qui rendait hasardeuse, à cette époque de l'année, la demande de modification, les emplois du temps étant pour la plupart figés dans les établissements scolaires." (Décision, page 11, paragraphe 4)
4. POINTS DE DROIT
- 🔗 Modification des horaires à temps partiel : Une modification de la répartition des horaires, non prévue contractuellement et imposée tardivement en cours de "saison", ne s'impose pas au salarié, a fortiori en situation de pluriactivité connue.
- 👨⚖️ Preuve des heures de travail (L.3171-4 CT) : La production par le salarié d'éléments démontrant un surcroît de travail lié à la vacance d'un poste suffit à étayer sa demande si l'employeur ne dispose pas d'un système de décompte fiable.
- ⚖️ Charge de la preuve du repos : Il appartient exclusivement à l'employeur de prouver qu'il a respecté les temps de repos obligatoires ; la production de l'emploi du temps du second employeur n'est pas exigible du salarié pour établir ce manquement.
Mots clés
Temps partiel, Modification des horaires, Pluriactivité, Insubordination, Heures complémentaires, Charge de la preuve, Directive 2003/88/CE, Temps de repos, Centre de formation, Saison sportive.
NB : 🤖 résumé généré par IA