24/15283
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Paris, statuant en matière de référé, se prononce sur une affaire de marketing d'embuscade (ambush marketing) survenue lors des Jeux Olympiques de Paris 2024. Sur le fondement des articles L. 713-2 et L. 716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle ainsi que de l'article 1240 du Code civil, la Cour :
- Confirme la compétence du juge des référés et l'interdiction prononcée concernant les actes de promotion physique (bus, distribution de produits) réalisés à Paris, caractérisant une contrefaçon de marque et un parasitisme économique manifestes.
- Infirme l'ordonnance concernant les publications sur internet (sites en mandarin), estimant que le public français n'était pas visé (absence de ciblage), rendant le juge français incompétent pour ces faits spécifiques.
- Rejette les exceptions de nullité et d'incompétence au profit de l'arbitrage soulevées tardivement.
- Condamne la société appelante à verser des provisions réduites à 20 000 euros par intimé.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties :
- Appelante : Société Inner Mongolia [B] Industrial Group Co Ltd (groupe laitier chinois).
- Intimés : Comité International Olympique (CIO) et le Comité d'Organisation des Jeux Olympiques (COJO), représenté par son liquidateur (SCP BTSG).
- Problématique : Une société chinoise, partenaire du Comité National Olympique (CNO) chinois mais non partenaire mondial (TOP) du CIO, a déployé une campagne de communication à Paris pendant les Jeux 2024 (bus habillés, distribution d'éventails, mascottes) et sur internet.
- Question juridique : Le juge des référés français est-il compétent pour interdire des actes commis par une société étrangère sur internet et physiquement à Paris, alors que celle-ci se prévaut d'un contrat de sponsoring avec son comité national ?
- Faits : Le CIO et le COJO ont assigné la société en référé d'heure à heure pour faire cesser l'usage des anneaux olympiques et des stratégies de communication associant indûment la marque aux Jeux (parasitisme).
2. ANALYSE DES MOTIFS
A. Sur la procédure et les exceptions d'incompétence
La Cour valide d'abord la régularité de la procédure. 🔍 Elle écarte les moyens de nullité tirés de la Convention de La Haye et du respect du contradictoire. Concernant l'exception d'incompétence au profit d'un tribunal arbitral (fondée sur le contrat liant la société au CNO chinois), la juridiction applique rigoureusement l'article 74 du Code de procédure civile. Le principe est que toute exception de procédure doit être soulevée in limine litis.
"Le défendeur, représenté en première instance, qui aurait pu invoquer à ce stade de la procédure le moyen d'incompétence du juge étatique, tiré de l'existence d'une clause compromissoire, et qui s'en est abstenu, est irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d'appel." (Décision, page 16)
❌ Cette irrecevabilité sanctionne la stratégie de défense qui n'a pas invoqué la clause d'arbitrage dès la première instance, confirmant ainsi la compétence de la juridiction étatique pour statuer sur le litige.
B. Sur la compétence territoriale liée aux actes sur Internet
La Cour opère une distinction fondamentale entre les actes physiques et numériques. 🔍 Pour les publications sur les sites web et réseaux sociaux chinois (Weibo, WeChat), la Cour recherche si le public français était visé. Sur le fondement de l'article 46 du Code de procédure civile et du règlement (UE) 2017/1001, elle applique le critère de la focalisation (ou ciblage). L'accessibilité technique ne suffit pas ; il faut un lien de rattachement suffisant.
"Si ces pages sont techniquement accessibles en France, il n'existe aucun lien entre elles et le public français ou de l'Union européenne. En effet, elles sont rédigées exclusivement en mandarin [...] les constats ne relèvent aucun mot clé de nature à inciter le public français ou de l'Union européenne à consulter ces pages internet." (Décision, page 19)
➡️ En conséquence, l'absence de direction de l'activité vers le public français prive le juge des référés de sa compétence pour ces faits spécifiques, entraînant l'infirmation de l'ordonnance sur ce point précis.
C. Sur les actes commis en France et le fond du litige
✅ À l'inverse, pour les campagnes d'affichage et les animations de rue à Paris (bus, "flash mobs"), la matérialité des faits sur le territoire fonde la compétence du juge. 1️⃣ Sur l'exception contractuelle invoquée : La société chinoise tentait de justifier ses actes par son contrat de partenariat avec le Comité Olympique Chinois (CNO/COC). La Cour rejette cet argument en analysant la portée territoriale des droits concédés. Les droits d'un sponsor national ne s'exportent pas sur le territoire de l'événement sans accord du CIO/COJO.
"Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'interpréter le contrat, les droits dont se prévaut la société [B] sont limités au territoire chinois. Le fait que la société [B] prétende avoir suivi une procédure d'autorisation contractuellement prévue [...] n'a aucune incidence sur la limitation territoriale de ses droits." (Décision, page 21)
2️⃣ Sur la contrefaçon de marque (Anneaux Olympiques) : Sur le fondement de l'article 9.2 du règlement (UE) 2017/1001, la Cour constate l'usage non autorisé des anneaux olympiques sur les bus. Elle relève le caractère distinctif et la renommée exceptionnelle de la marque du CIO.
"Compte tenu de la forte distinctivité de la partie des marques constituée des anneaux olympiques, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public est établi. Par ailleurs, les anneaux olympiques constituent une propriété olympique au sens de l'article 7.4 de la Charte olympique et une propriété du CIO." (Décision, page 25)
3️⃣ Sur le parasitisme (Ambush Marketing) : Enfin, la Cour caractérise le trouble manifestement illicite au titre du parasitisme sur le fondement de l'article 1240 du Code civil. Elle sanctionne la stratégie globale (distribution de mascottes, présence près des sites de compétition) visant à capter la notoriété de l'événement sans en payer le prix (Ambush marketing).
"Il résulte de ses différentes opérations menées dans [Localité 12] notamment à l'abord d'endroits de compétition ou touristiques que la société [B] a mis en œuvre une stratégie commerciale avant et pendant les Jeux olympiques pour s'associer à cet événement mondial, profiter de sa notoriété et bénéficier de sa retombée médiatique, sans aucune autorisation [...]. Ce marketing d'embuscade a eu pour effet d'usurper, sans frais, la notoriété des Jeux olympiques et de faire croire qu'elle y était associée." (Décision, page 26)
⚖️ Cette motivation valide l'interdiction des agissements et l'allocation d'une provision, bien que le montant soit réduit par rapport à la première instance.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"Le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis." (Décision, page 26)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Compétence internationale et Internet : L'accessibilité technique d'un site web ne suffit pas à fonder la compétence du juge français (art. 46 CPC / Règlement UE). Le critère déterminant est la destination du site (langue, devise, livraison) vers le public français (Ciblage).
- 🔗 Territorialité des droits de sponsoring : Les droits marketing accordés par un Comité National Olympique (CNO) sont strictement limités au territoire national de ce comité et ne justifient pas des actions promotionnelles dans le pays hôte des Jeux sans accord du CIO/COJO.
- ⚠️ Procédure : L'exception d'incompétence fondée sur une clause compromissoire (arbitrage) doit impérativement être soulevée in limine litis (avant toute défense au fond), sous peine d'irrecevabilité (art. 74 CPC).
- ⚖️ Ambush Marketing : La distribution de produits (goodies) et l'affichage à proximité des sites de compétition, créant un risque d'association dans l'esprit du public, constituent des actes de parasitisme économique par usurpation de notoriété.
Mots clés
Ambush marketing, Propriétés olympiques, Contrefaçon de marque, Parasitisme économique, Compétence territoriale, Ciblage, Clause compromissoire, Référé, Risque de confusion, Comité National Olympique
NB : 🤖 résumé généré par IA