25/00006
Résumé
En bref
La Cour d'appel de Reims infirme le jugement du Conseil de prud'hommes et juge que la rupture unilatérale du CDD à l'initiative du joueur doit s'analyser en une rupture anticipée pour faute grave imputable à l'employeur. Sur le fondement de l'article L. 1243-1 du Code du travail et de l'article 12.6.3 de la Convention Collective Nationale du Sport (CCNS), la Cour retient que le défaut de paiement du salaire, la perte du logement de fonction et l'absence de fourniture de travail constituent des manquements empêchant la poursuite du contrat, nonobstant les difficultés financières du club ou l'ouverture ultérieure d'une liquidation judiciaire. En application de l'article L. 1243-4 du Code du travail, le club est condamné à verser une indemnité égale aux rémunérations restantes jusqu'au terme du contrat.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
- Parties : M. [H] [U], footballeur professionnel (Appelant) contre le Liquidateur du Club Sportif Sedan Ardennes - CSSA (Intimé).
- Problématique : La rupture du contrat à durée déterminée (CDD) à l'initiative du salarié, motivée par des impayés salariaux et une absence de fourniture de travail dans un contexte de cessation de paiements du club, constitue-t-elle une rupture pour faute grave imputable à l'employeur ?
- Question juridique : Les difficultés financières de l'employeur peuvent-elles exonérer ce dernier de sa responsabilité quant au paiement des salaires et à la fourniture de travail, empêchant ainsi la qualification de faute grave justifiant la rupture anticipée du CDD par le sportif ?
- Exposé du litige : Le joueur, engagé par CDD jusqu'en juin 2024, a rompu son contrat le 20 août 2023 après mise en demeure infructueuse concernant le non-paiement du salaire de juillet, l'expulsion de son logement de fonction et l'absence d'entraînement. Le club a été placé en liquidation judiciaire le 28 août 2023. Le CPH avait initialement débouté le joueur.
2. ANALYSE DES MOTIFS
A. Sur la qualification de la rupture et la faute grave de l'employeur
La Cour commence par une 🔍 requalification juridique nécessaire de l'acte du salarié. Bien que le joueur ait utilisé le terme de "prise d'acte", impropre en matière de CDD, les juges rappellent que sur le fondement de l'article L. 1243-1 du Code du travail, cette manifestation de volonté doit être traitée comme une rupture anticipée pour faute grave. La juridiction exerce son 👨⚖️ pouvoir souverain pour vérifier si les faits invoqués justifient une telle rupture :
"Une telle rupture ne peut pas être qualifiée de «prise d'acte» mais cette qualification impropre n'empêche pas le juge du fond de condamner l'employeur au paiement de diverses indemnités s'il estime que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est justifiée par une faute grave de sa part." (Décision, page 5)
Cette analyse conduit la Cour à examiner la matérialité des faits au regard des dispositions spécifiques du droit du sport. S'appuyant sur l'article 12.6.3 de la Convention Collective Nationale du Sport (CCNS), les juges rappellent que la convention collective institue une présomption de gravité en cas de retard de paiement. Cette 🔗 règle spéciale renforce la position du salarié :
"L'article 12.6.3 de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 énonce que "Le non-paiement par l'employeur de la rémunération, à l'expiration d'un délai de 15 jours après mise en demeure adressée par le salarié, constitue une faute imputable à l'employeur justifiant la rupture du contrat et susceptible d'ouvrir droit à dommages et intérêts."" (Décision, page 5)
En l'espèce, la Cour constate 1️⃣ le défaut de paiement du salaire de juillet à la date de la rupture, 2️⃣ la perte du logement de fonction par faute du club, et 3️⃣ l'absence de fourniture de travail (entraînements) suite aux déboires administratifs du club.
B. Sur l'inefficience du motif économique et les spécificités du sportif
Le cœur du raisonnement de la Cour réside dans le rejet ❌ de l'argument implicite des difficultés économiques. Les juges posent le principe selon lequel l'état de cessation de paiements ou les difficultés de trésorerie ne sauraient constituer une 🛡️ cause exonératoire de l'obligation de paiement des salaires. La responsabilité de l'employeur est engagée dès lors qu'il n'a pas tiré les conséquences de sa situation (licenciement économique ou déclaration de cessation des paiements tempestive) :
"Des difficultés financières ne peuvent pas, à elles seules, justifier le manquement à l'obligation de payer les salaires et il appartient à l'employeur qui ne peut, en raison de telles difficultés, assurer la pérennité du travail et le règlement des salaires, soit de licencier le salarié pour ce motif économique, soit de se déclarer en état de cessation des paiements" (Décision, page 7)
De plus, la Cour prend soin de contextualiser la gravité de la faute au regard du statut de sportif professionnel. Elle souligne que les manquements de l'employeur revêtent une acuité particulière ⚠️ compte tenu des contraintes temporelles (mercato) et physiques propres à cette profession. Le fait que le joueur ait retrouvé un emploi ne diminue en rien la gravité de la faute initiale :
"Ces faits sont sans incidence sur les manquements caractérisés de l'employeur lesquels sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat, en particulier pour un sportif professionnel qui est contraint par les périodes de mutations des clubs et par l'enjeu primordial de bénéficier d'une préparation physique." (Décision, page 7)
C. Sur l'évaluation du préjudice (Indemnité de rupture)
Ayant établi la faute grave de l'employeur, la Cour tire les conséquences indemnitaires ➡️ sur le fondement de l'article L. 1243-4 du Code du travail. Elle rappelle le caractère forfaitaire et intangible de cette indemnisation. Contrairement au droit commun de la responsabilité civile, le salarié n'a pas à démontrer l'étendue de son préjudice réel, ni à déduire les revenus perçus par ailleurs :
"Cette sanction financière n'impose aucune preuve d'un préjudice, s'agissant de dommages-intérêts destinés à compenser la perte de l'emploi. Elle constitue une réparation forfaitaire minimum [...], qui ne peut subir aucune réduction, et ce quand bien même le salarié aurait retrouvé un autre emploi immédiatement après la rupture." (Décision, page 8)
Par conséquent, le joueur se voit allouer la totalité des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme initial du CDD (juin 2024), soit près de 30 000 euros. En revanche, la Cour rejette ❌ la demande distincte pour exécution déloyale, considérant que le préjudice allégué (stress, absence d'entraînement) est déjà couvert par la réparation forfaitaire de la rupture.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"C'est aussi de manière inefficiente que le conseil de prud'hommes a retenu que la cessation de paiement préalable justifie le défaut de versement de salaire. [...] M. [H] [U] fait remarquer que le club a tardé pour déclarer sa cessation de paiement laissant les joueurs plusieurs semaines voire mois dans l'incertitude et sans salaire. Ce faisant, le CSSA ne s'est pas soucié de s'assurer que les droits de ses salariés soient rapidement préservés." (Décision, page 7)
4. POINTS DE DROIT
- 🎯 Requalification de la prise d'acte : La prise d'acte de la rupture d'un CDD est requalifiée en rupture anticipée pour faute grave (Cass. Soc. 3 juin 2020).
- 🔗 Gravité du non-paiement : Le non-paiement du salaire constitue une faute grave empêchant la poursuite du contrat, renforcée par l'article 12.6.3 de la CCNS (délai de 15 jours).
- ⚠️ Inopérance des difficultés économiques : Les difficultés financières ou l'imminence d'une liquidation judiciaire ne justifient pas le manquement à l'obligation de paiement des salaires.
- ⚖️ Spécificité sportive : L'absence d'entraînement (préparation physique) et les contraintes de mutation sont des éléments aggravants caractérisant l'impossibilité de poursuivre le contrat.
- ➡️ Caractère forfaitaire de l'indemnité : L'indemnité de l'article L. 1243-4 du Code du travail est due intégralement sans réduction possible liée au reclassement du salarié ("Aliunde perceptum").
Mots clés
CDD sportif, Rupture anticipée, Faute grave, Prise d'acte, Article 12.6.3 CCNS, Liquidation judiciaire, Dommages-intérêts forfaitaires, Préparation physique, Rémunération, Exécution déloyale
NB : 🤖 résumé généré par IA