23-23.751
Résumé
En bref
La Deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation partielle déterminant pour la rédaction des conventions d'honoraires dans le sport. La Haute juridiction censure l'ordonnance du Premier président de la cour d'appel sur deux fondements distincts. D'une part, au visa de l'article 1231-5 du Code civil, elle requalifie la clause imposant le paiement intégral des honoraires restants en cas de rupture anticipée en clause pénale (soumise au pouvoir modérateur du juge), et non en simple faculté de dédit. D'autre part, sur le fondement de l'article liminaire et de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, elle reconnait la qualité de consommateur au joueur professionnel contractant pour une assistance fiscale personnelle, jugeant par conséquent la clause d'indemnité de résiliation comme abusive en raison du déséquilibre significatif créé au détriment du sportif.
En détail
1. CADRE DE L'AFFAIRE
Cette affaire oppose un joueur de football professionnel (M. [H] [V]) et la société gérant son image (EFM Sport) à leur ancienne avocate (Mme [P]). Les parties avaient conclu, le 15 octobre 2017, des conventions d'honoraires d'une durée ferme de six ans, portant sur une assistance fiscale pour le joueur et juridico-fiscale pour la société. Les clients ont procédé à la résiliation unilatérale des contrats en mars 2021, soit avant le terme convenu. L'avocate a alors sollicité le paiement du solde des honoraires jusqu'à l'échéance contractuelle, en application d'une clause stipulant que ces sommes seraient dues « en guise de pénalité et dédommagement du préjudice subi ». La question juridique principale soumise à la Cour est double : la clause imposant le paiement intégral des honoraires en cas de rupture est-elle une clause pénale ou une clause de dédit ? Par ailleurs, un sportif professionnel souscrivant une assistance fiscale agit-il en qualité de professionnel ou de consommateur, rendant la législation sur les clauses abusives applicable ?
2. ANALYSE DES MOTIFS
La Cour de cassation opère une distinction nette entre la situation de la société d'image et celle du joueur, conduisant à une double censure de l'arrêt d'appel.
A. Sur la qualification de la clause d'indemnité (Société EFM Sport)
La Haute juridiction s'attache d'abord à la qualification juridique de la clause litigieuse liant la société commerciale à l'avocate. 🔍 Alors que le juge du fond avait analysé cette clause comme le prix d'une faculté de résiliation (clause de dédit), échappant ainsi au pouvoir de révision du juge, la Cour de cassation adopte une position contraire sur le fondement de l'article 1231-5 du Code civil. Le raisonnement se fonde sur la finalité de la clause. ❌ La Cour censure l'analyse selon laquelle l'indemnité ne serait qu'un aménagement des conditions de rupture. Elle relève que la stipulation avait pour objet de contraindre à l'exécution jusqu'au terme et fixait forfaitairement des dommages-intérêts. ➡️ Dès lors, la qualification de clause pénale s'imposait, car la somme réclamée avait une fonction comminatoire et indemnitaire :
"La clause litigieuse, qui stipulait des dommages et intérêts en dédommagement du préjudice subi par l'avocate, à titre de pénalité, dont le montant était équivalent au prix dû en cas d'exécution du contrat jusqu'à son terme [...] constituait une clause pénale et non une clause de dédit" (Décision, point 10)
Cette requalification est capitale ⚖️ : en rétablissant la nature de clause pénale, la Cour de cassation réouvre la possibilité pour le juge du fond d'exercer son pouvoir modérateur et de réduire le montant de l'indemnité si celle-ci apparaît "manifestement excessive", protégeant ainsi le débiteur contre des fixations forfaitaires disproportionnées.
B. Sur la protection du consommateur et le caractère abusif (M. [H] [V])
Dans un second temps, la Cour examine la situation du joueur personne physique. Elle s'attaque d'abord à la détermination de sa qualité de consommateur. Le juge du fond avait retenu que le contrat était signé dans le cadre de l'activité de "joueur de football professionnel", excluant l'application du Code de la consommation. ❌ La Cour de cassation casse ce raisonnement en appliquant strictement l'article liminaire du Code de la consommation. La Cour pose qu'il n'y a pas de lien direct entre l'activité salariée de footballeur et une convention d'assistance fiscale personnelle. 🎯 Elle procède à une analyse fonctionnelle du rapport contractuel : le joueur, en cherchant des conseils sur sa fiscalité personnelle, n'agit pas pour les besoins de son activité professionnelle sportive :
"En souscrivant une convention d'assistance en matière fiscale portant essentiellement sur ses revenus, M. [H] [V] n'agissait pas à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle de joueur de football salarié" (Décision, point 17, 1ère partie)
Cette reconnaissance du statut de consommateur permet ➡️ l'application du régime des clauses abusives prévu par l'article L. 212-1 du Code de la consommation. La Cour analyse alors le contenu de la convention et constate un déséquilibre significatif. ⚠️ Elle relève l'asymétrie des obligations : le client est tenu de payer l'intégralité des honoraires en cas de départ, ce qui dissuade de changer d'avocat, alors qu'aucune réciprocité n'existe si l'avocate rompt le contrat.
"La clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur en ce qu'elle lui impose le paiement de l'ensemble des honoraires en cas de résiliation à son initiative [...] sans prévoir d'indemnité à la charge de l'avocate dans l'hypothèse d'une résiliation anticipée dont elle serait à l'origine" (Décision, point 17, 2nde partie)
En jugeant cette clause abusive, la Cour de cassation protège la liberté fondamentale du client de choisir son conseil et de mettre fin au mandat, en interdisant les mécanismes financiers purement dissuasifs dans les contrats conclus avec des sportifs agissant hors de leur sphère strictement professionnelle.
3. EXTRAIT PRINCIPAL DE LA DÉCISION
"En souscrivant une convention d'assistance en matière fiscale portant essentiellement sur ses revenus, M. [H] [V] n'agissait pas à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle de joueur de football salarié [...] la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur" (Point 17 de la décision)
4. POINTS DE DROIT
- 🔗 Qualification de clause pénale : Toute clause fixant forfaitairement des dommages-intérêts ayant une fonction comminatoire pour dissuader la rupture anticipée est une clause pénale (soumise à modération), et non une faculté de dédit.
- 🎓 Statut de consommateur du sportif : Un sportif professionnel agissant pour des besoins personnels (fiscalité sur revenus) distincts de son activité sportive salariée conserve la qualité de consommateur.
- ⚖️ Clause abusive (Honoraires) : Crée un déséquilibre significatif la clause qui impose au client consommateur le paiement intégral des honoraires restants en cas de résiliation, entravant sa liberté de changer d'avocat, sans réciprocité à la charge du conseil.
- 👨⚖️ Office du juge : Le juge a l'obligation de requalifier les clauses mal nommées par les parties (dédit vs pénal) pour appliquer le régime protecteur adéquat.
Mots clés
Clause pénale, Consommateur, Sportif professionnel, Clause abusive, Déséquilibre significatif, Honoraires d'avocat, Résiliation anticipée, Liberté de choix, Assistance fiscale, Pouvoir modérateur.
NB : 🤖 résumé généré par IA